C’est un sujet qui domine bien des discussions depuis déjà quelques mois. Et c’est aussi un sujet ambivalent : l’IA va-t-elle nous « laisser sur le carreau » ou va-t-elle nous faire progresser vers un meilleur avenir ? L’IA est-elle un allié ou un danger pour notre futur ? Est-ce similaire à une arme qui peut se retourner contre nous ?
Michel LOLLICHON, Président fondateur de LYADIS expose son point de vue et sa parole d’expert sur la technloige de l’IA et, en particulier, sa place dans la formation.
Cette situation rappelle celle de la découverte des principes du nucléaire : une solution intéressante concernant l’énergie, le médical, la technologie, le spatial, mais c’est aussi une solution terrifiante dès qu’il s’agit d’un usage de type arme. C’est donc l’usage qu’en fait l’homme qui est déterminant. C’est finalement une histoire de choix et de responsabilité.
On peut facilement entrevoir les dangers de l’IA mais aussi les formidables opportunités qu’elle offre.
On doit considérer le sujet de l’IA comme une véritable opportunité de progrès tout en restant conscient des dangers qu’elle présente.
Pour y arriver, il est nécessaire de se faire sa propre opinion en minimisant les influences extérieures. Il faut, dans la mesure du possible, s’informer et se former pour avoir son propre jugement. En écoutant les autres, on obtient en général tout et son contraire : certains vont ressasser sans arrêt leurs craintes et d’autres vont affirmer que l’IA va sauver l’humanité. Il suffit d’aller sur un forum en ligne pour s’informer d’un sujet, pour s’apercevoir après coup que l’on est souvent plus confus.
En résumé, formez-vous, utilisez l’IA et faites-vous votre propre opinion.
A ce jour, nous utilisons beaucoup de robots dans notre vie quotidienne et cela va en s’accroissant. Mais ce n’est pas nouveau, l’Homme à toujours cherché à automatiser certaines fonctions. Et à chaque fois, cette automatisation qui prédisait une perte d’emploi, a créé une mutation d’emploi. Les tâches désormais automatiques permettent de libérer du temps « créatif » pour inventer autre chose. L’automatisation des tâches comptables a dégagé plus de temps pour l’analyse de comptes, et ce temps gagné s’est transformé en plus de travail sur la gestion. Les contrôleurs de gestion quasi inexistants il y a 50 ans, ont pris une place importante dans tous les systèmes financiers des entreprises et ont remplacé beaucoup de comptables. L’emploi s’est donc ré-équilibré.
La formation : une véritable autoroute pour l’IA générative
Un domaine que je connais particulièrement bien est la formation professionnelle pour adulte. Pour être efficace, une formation doit être la plus qualitative possible, au risque d’obtenir l’inverse de ce que l’on recherche, à savoir le rejet du sujet voire de la formation en général. Je l’ai vécu et observé durant mon parcours d’étudiant et professionnel. Ne perdons pas de vue qu’une bonne formation fait progresser l’individu et l’entreprise à laquelle il appartient, et qu’une mauvaise formation est une véritable bombe à retardement pour l’individu et l’entreprise. L’enjeu est donc de taille, il ne faut pas le minimiser.
Un individu rendu plus compétent avec la formation entrevoit plus facilement l’avenir et se sent plus capable de l’affronter et de faire progresser son groupe. En revanche, un individu mal formé aura tendance à se juger incapable d’avancer, deviendra pessimiste et va lentement se dégrader professionnellement en y amenant souvent le groupe dans lequel il opère.
Mais venons-en à l’IA générative !
Dans la création d’un cours (quelle que soit la modalité utilisée), l’IA générative nous apporte une quantité de données en lien direct ou indirect avec le sujet
Si ce sujet est générique et que l’on sait interroger l’IA, on peut s’attendre à obtenir l’exhaustivité des données concernées (il semble même que cela soit assez submergeant en termes de volume). En revanche si notre compétence à interroger l’IA est très moyenne, on va se retrouver avec un fatras de données quasi inexploitables, même pour un sujet générique.
Lorsque que l’on réalise une formation, le cœur du métier du formateur et sa réelle plus-value se situe dans la conception pédagogique, la manière dont on va enseigner les données collectées et développer un savoir-faire. C’est équivalent à un métier d’art ou des compétences très liées aux facteurs humains sont utilisées : la sensibilité, les astuces, la narration, la vitesse d’apprentissage, la bienveillance, la reformulation, la répétition, la mécanique de jeu, l’encouragement, le rythme, etc. C’est donc à cette étape particulière que l’être humain fait la différence avec l’IA. Il adapte, il simplifie, il illustre, il structure, il déstructure les données. Il imagine comment l’apprenant va s’en sortir, il ajuste le chemin pédagogique, il met en place tout ce qu’il peut pour permettre la réussite et minimiser l’échec. Il a la volonté de se mettre au service de celui qui apprend. Dans une formation présentielle pour être plus efficace dans la transmission, il changera son discours, ses exemples et son animation : chaque individu ou groupe d’individus a ses forces et ses faiblesses et le formateur doit en être conscient et s’adapter, c’est le propre de son métier, c’est même son devoir.
Dans le cas spécifique d’une formation digitale, le formateur (concepteur) va devoir intégrer en amont la manière dont il adaptera son enseignement au public cible. Il va devoir être sacrément créatif, pour ne pas dire génial. Toutes ses compétences pédagogiques, sa capacité à se projeter et à imaginer va être mise en œuvre. La médiocrité pédagogique n’a pas sa place ici. En laissant ce travail à l’IA générative, on obtiendra une approche pédagogique de synthèse, souvent banale et assez éloigné de ce qu’un bon formateur pourra proposer.
L’IA peut aider sur la conception, donner des pistes, des types de questions à poser, mais pour l’instant elle ne permet pas de concevoir avec tous les paramètres humains à prendre en compte. Bien entendu, ceux qui ne jurent que par cette technologie vont essayer de vous en convaincre, mais regardez vous-même, essayer de vous former pendant une journée avec une formation réalisée par une IA générative !
Le montage technique d’une formation (support de cours présentiel, module E-learning, film, etc.), peut aussi s’appuyer sur ce que l’IA va proposer. Mais attention il s’agit d’éléments synthétiques, souvent très neutres, manquant de détails, généralement trop « parfaits » qu’il faudra retravailler.
La voix de synthèse en est un excellent exemple : pour des oreilles peu éduquées, cette voix peut être satisfaisante, mais si vous êtes attentif vous remarquerez qu’elle ne transmet pas grand-chose : elle est lisse, sans anicroche, sans variation de rythme, sans tout ce qui fait la voix humaine. Pour des usages spécifiques et courts cela peut avoir du sens, mais pour de la formation qui a besoin de sensibilité, cela n’est pas au service d’un meilleur apprentissage.
En ce qui concerne les médias visuels (illustrations, photos, vidéos), le constat est le même. C’est plutôt assez bon, surtout pour les illustrations et photos, mais si vous y regardez de plus près, vous n’y trouverez pas le sourire sincère et plein de mansuétude sur le visage d’un personnage, vous ne trouverez pas le pétale imparfait d’une fleur ayant servi de repas à un insecte. Il manquera cela, et ce sont ces détails, souvent infimes, qui vous faire la différence dans l’attention. Et cette attention à maintenir est un véritable défi pour le formateur.
En revanche pour la réalisation de tous ces médias, l’IA est d’une grande aide. Elle vous permet de trouver des idées et des pistes presque instantanément. Elle permet de visualiser un concept. Grace à cela, vous pouvez vous challenger sur différents contenus visuels, par exemple en produisant plus illustrations pour faire un choix final qui l’on pourra affiner par la suite. Ce dernier point est quasi impossible à réaliser manuellement pour des raisons budgétaires.
Il faut utiliser l’IA et savoir le faire avec compétence. L’IA générative va améliorer le travail du formateur, lui demander d’être plus compétent. Il devra savoir poser des questions à l’IA pour en obtenir des réponses pertinentes. Il devra aussi savoir lire et comprendre ce que l’IA lui fournira. Mais son travail essentiel sera de structurer, simplifier, réarranger les données pour les rendre accessibles aux apprenants. Il devra, pour faire apprendre, déterminer les modalités d’apprentissage les plus adaptées, trouver les exercices à réaliser, les activités. Le formateur sera obligatoirement d’un talent spécifique au domaine de l’apprentissage, et dès aujourd’hui il doit inévitablement progresser dans cette direction. Et cela est une bonne nouvelle car c’est la partie du travail qui est la plus enrichissante.
L’humanité progresse grâce au son intelligence et son travail. L’IA est un outil créé par l’humanité pour aider au progrès de l’humanité, ce n’est pas l’humanité. C’est vous qui devez en avoir la maitrise et le contrôle, et c’est vous qui pouvez faire le choix de son usage.
En ce qui me concerne, j’ai décidé d’utiliser avec mes équipes l’IA générative pour gagner du temps sur la préparation du contenu. Ce temps gagné est désormais utilisé afin d’augmenter l’efficacité pédagogique de nos productions.